1283 - Acte notarié sur le déroulement et les résultats de l’élection de Dietrich, chanoine du domaine épiscopal de Saint-Pierre à Salzbourg et prévôt de Wieting [district d’Eberstein], comme abbé de Saint-Paul au monastère bénédictin de Saint-Paul à Lavanttal en Carinthie
le 26 mars 1283
Dans le monachisme latin, un abbé est à la tête des communautés monastiques depuis la fin de l’Antiquité. Au début du Moyen Âge, la Règle de saint Benoît lui conférait des fonctions de direction complètes, qu’il devait exercer sur des questions importantes en accord avec ses frères moines. Le choix de l’abbé est confié à la communauté monastique elle-même ; au Moyen Âge, l’évêque compétent, qui était également chargé de consacrer l’abbé élu et de lui conférer les insignes d’office (croix, mitre, sceptre) comme symboles de l’autorité dont il était investi, était habilité à approuver le résultat des élections.
Le poste d’abbé des chanoines bénédictins de St Paul en Carinthie [district de Wolfsberg] était devenu vacant après la renonciation de l’abbé en exercice [Hermannus] le 27 février 1283. La nouvelle élection a eu lieu dans le chœur de l’église Saint-Paul en présence de plusieurs clercs de Carinthie. Certains de ces témoins sont nommément cités dans ce document, notamment le prieur de l’abbaye canonique de Griffen [Grivinthal ; district de Völkermarkt] ainsi qu’un chanoine de l’abbaye d’Eberndorf [Juna, district de Völkermarkt]. L’assemblée des moines, y compris l’abbé qui s’était retiré, autorisa un collège de trois électeurs à proposer et à élire le nouvel abbé. Ces électeurs – l’abbé bénédictin de Moggio [Mosacense près d’Udine], le prévôt Griffen et un chanoine de Griffen – se sont installés sur Dietrich [Pruchler], prévôt de Wieting [Wiechin près de St Veit / Glan].
Konrad von Udine [Conradus de Vtinis] a été chargé [rogatus] d’authentifier le processus électoral. Il est vraisemblablement venu à Saint-Paul en compagnie de l’abbé de Moggio afin de fournir au monastère une certification du processus électoral valable en vertu du droit canonique pour que l’archevêque de Salzbourg puisse ensuite faire consacrer l’abbé élu. En tant que notaire public (impérial) [imperiali auctoritate notarius publicus], Konrad a été autorisé à rédiger des documents avec toute la force probante qu’il a authentifiés de sa main avec l’apposition de son signet. Les électeurs ont confirmé l’exactitude des faits établis dans l’acte en leur nom et au nom du monastère en apposant le sceau de l’église Saint-Paul.
Rédigé en latin, le document a été rédigé par Konrad selon les règles de l’ars notaria en vigueur à l’époque et inscrit sur parchemin. Le texte se compose d’un seul bloc ; seuls quelques signes de ponctuation permettent au lecteur de s’orienter. Les nombreuses abréviations courantes à l’époque rendent la compréhension difficile. L’acte ne contient pas tous les éléments prévus par la suite pour les actes notariés dans l’Ordonnance notariale impériale de 1512. Le présent acte peut être attribué à la catégorie des actes notariés accompagnés d’un sceau étranger, vraisemblablement pas apposé à côté du signet du notaire mais – dorsalement – sur le verso.
Ce sceau manque sur l’original, qui est conservé aux Archives d’État autrichiennes, Département Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Allgemeine Urkundenreihe, sous le numéro 1829. Une édition complète du document (y compris les abréviations dans leur intégralité) peut être consultée à l’adresse suivante : Urkundenbuch des Benediktiner-Stiftes St. Paul in Kärnten, publié par Beda Scholl, Vienne 1876, 171-173 (No 132).
1770 - Document de renonciation signé par l’archiduchesse Marie-Antoinette sur les couronnes dépendant de la Maison d'Autriche
Document de renonciation, signé par l’archiduchesse Maria Antonia (plus tard Marie-Antoinette), fille de l’empereur du Saint-Empire romain germanique François Ier de Lorraine et de la souveraine habsbourgeoise Marie-Thérèse, le 17 avril 1770 à Vienne à l’occasion de son mariage avec Louis, l’héritier Bourbon au trône de France.
La renonciation est généralement définie comme une renonciation juridiquement contraignante – dans le cas présent, elle concerne spécifiquement une renonciation aux droits de succession et d’héritage. En 1700, la guerre de succession d’Espagne a éclaté après la fin de la lignée espagnole de la famille Habsbourg. En 1703, les Habsbourg ont réagi à cette situation en forgeant un pacte de succession mutuel – initialement tenu secret – pour l’ensemble des possessions des Habsbourg. Après leur défaite dans la guerre contre les Bourbons français en 1713, l’empereur Charles VI, alors chef de famille, ordonne la promulgation du pacte. La succession au trône était basée sur le principe de la primogéniture de préférence masculine. En l’absence d’un descendant de sexe masculin dans toutes les lignées familiales, la fille aînée du dernier détenteur du trône devait être déclarée héritière (et, par la suite, ses descendants, la préférence étant donnée aux descendants masculins) : une telle situation s’est produite en 1740 après la mort de Charles VI et a entraîné la succession de Marie Thérèse à la tête des possessions habsbourgeoises. Les deux filles de Joseph Ier, frère aîné de Charles VI, décédé en 1711, devaient renoncer à tout droit héréditaire et successoral lors de la conclusion du mariage (ce qu’elles firent avec les princes héritiers de Saxe et de Bavière en 1719 et 1722 respectivement).
Après le mariage de Marie-Thérèse et de l’empereur François-Étienne de Lorraine (1736), la maison des Habsbourg ne souffre plus d’un manque de descendants masculins. Marie-Thérèse changea l’orientation de la politique étrangère des Habsbourg et chercha à forger une alliance avec l’ancien ennemi, la France, en établissant des liens de mariage avec les Bourbons : son fils aîné, Joseph II, épousa une princesse de Parme en 1760 – le mariage n’a pas porté de descendance ; son frère cadet Léopold II, par contre, lia durablement la Toscane à la Maison des Habsbourg-Lothringen par son mariage en 1765 (il eut douze fils) ; deux sœurs, Maria Carolina et Maria Amalia, épousèrent respectivement des princes de Parme et Naples-Sicile. Marie-Thérèse visait à établir des liens non seulement avec ces Bourbons, mais aussi avec la maison royale de France. Déjà en 1766, elle avait choisi sa plus jeune fille, Maria Antonia, pour l’aider à atteindre cet objectif. Le projet initial de fiancer la princesse de onze ans à Louis XV, alors âgé de 56 ans, fut abandonné au profit d’un mariage avec son petit-fils, le dauphin Louis : en 1769, le grand-père de ce dernier vint donc à Vienne et demanda la main de la princesse Habsbourg pour le mariage de son successeur sur le trône français. Après qu’elle eut atteint l’âge nubile, les deux familles s’entendirent sur le régime matrimonial du jeune marié de 15 ans et de son épouse de 14 ans le samedi de Pâques de l’année suivante, le 14 avril 1770. Après la fête de Pâques, le 18 avril, la renonciation de Maria Antonia à toute demande de succession a été formellement promulguée. Le mariage est célébré le lendemain à l’église augustinienne de Vienne ; absent de la cérémonie, le dauphin est représenté par son beau-frère du même âge, l’archiduc Ferdinand Karl Anton, le frère cadet de la mariée, et une cérémonie de mariage festive avec son mari le dauphin suit à Versailles le 16 mai après l’arrivée en France de Marie Antoinette.
L’acte de renonciation a été signé par Maria Antonia dans l’atrio majori du palais de la Hofburg à Vienne – en présence du couple impérial (« coram… Majestatibus ») et de l’ambassadeur français Aimeric Joseph de Durfort-Civrac, ainsi que de presque 100 autres témoins (« praesentes et testes ») de l’administration judiciaire dirigée par le chancelier Kaunitz. Heinrich Gabriel Collenbach, diplomate au service de la Chancellerie d’Etat, a authentifié le document en sa qualité de « ad hunc actum Autoritate Caesarea creatus Notarius publicus ». C’était la même formule qu’en 1713 pour authentifier la promulgation de la Sanction Pragmatique, pour les déclarations d’acceptation émises à partir de 1720 par les domaines de tous les dominions, ainsi que pour les déclarations de renonciation faites par les filles de Joseph I en 1719 et 1722.
Le document latin est inscrit sur parchemin, portant la signature du notaire ad hoc spécial ainsi que son sceau imprimé sur la laque à la place d’un signet, car Collenbach, en sa qualité de notaire ad hoc, ne portait pas ce signet. Le sceau de la princesse et la signature « Antonia » de sa main sont attachés au document par un cordon de laque suivi de la liste des témoins. L’acte suit donc le format d’un acte revêtu d’un sceau authentifié par un notaire. L’original est conservé aux Archives d’État autrichiennes, à la Haus-, Hof- und Staatsarchiv. Il fait partie du fonds documentaire de la famille Habsburg et porte le numéro 2055 (dans le répertoire des archives, il est daté par erreur du 18 avril 1770).
1900 - Inventaire successoral de la succession de Johann Strauss
Inventaire successoral de la succession de Johann Strauss, dressé le 22 janvier 1900 par le notaire Karl Frischauf, dans son étude à Wieden, 4e arrondissement de Vienne.
Johann Baptist Strauss (Johann Strauss le jeune) est né le 25 octobre 1825 à St-Ulrich, une banlieue de Vienne, dans la Rofranogasse 7-8 (aujourd’hui 1070 Vienne, Lerchenfelder Strasse 15), comme fils de Johann Strauss (l’ainé) et Anna Strauss. Bien qu’il ait grandi avec la musique en raison de la profession de son père et ait montré un grand talent, son père voulait qu’il travaille dans une banque. A partir de 1836, il fréquente le Schottengymnasium dans le 1er arrondissement de Vienne, puis la branche commerciale de l’Institut polytechnique de Vienne à partir de 1841.
Ce n’est qu’après le décès du compositeur Joseph Lanner, en avril 1843, qu’il choisit de poursuivre une carrière de musicien et quitte l’Institut polytechnique pour obtenir une solide formation musicale auprès de professeurs viennois de renom. Il fonda son propre orchestre et fit ses débuts avec succès le 15 octobre 1844 dans le 13ème arrondissement de Vienne, Hietzing, au Casino Dommayer (sur le site actuel du Parkhotel Schönbrunn).
Au début de sa carrière, alors qu’il était encore largement méconnu du grand public, le compositeur et instrumentiste inexpérimenté reçoit le soutien de plusieurs amis et bienfaiteurs de la scène musicale viennoise. Suivant le modèle du Musikwerkstatt de son père (et en compétition avec l’aîné Strauss), ils ont collaboré en équipe pour écrire et orchestrer la musique. Afin d’éviter cette rivalité avec son père, il entreprit plusieurs voyages sur les terres de la Couronne de la monarchie austro-hongroise, mais aussi à Belgrade et Bucarest. Après la mort inattendue de son père le 25 septembre 1849, Johann Strauss combine son propre orchestre avec celui de son père et part en tournée à Berlin, Racibórz, Wrocław et Varsovie.
Grâce aux bons offices de l’éditeur de musique de Varsovie Rudolf Friedlein, Johann Strauss reçut une invitation de la tsarine Alexandra Feodorovna, qui séjournait à Varsovie à l’époque. Les représentations devant le tsar et la tsarine russes et devant l’empereur autrichien François-Joseph, qui était également à Varsovie, marquent une grande percée. En 1852, il célèbre son premier grand succès musical avec l’Annen-Polka. Entre 1856 et 1865, puis de nouveau en 1869, Johann Strauss passe plusieurs mois d’été à Pavlovsk près de Saint-Pétersbourg. Ses performances très acclamées l’ont finalement vu sortir de l’ombre de son père.
En 1863, il reçoit finalement le titre convoité de k.k. Hofballmusikdirektor après que ses demandes antérieures eurent été refusées en 1856 et 1859 en raison de ses activités durant l’année révolutionnaire 1848. Parmi les nombreuses tournées effectuées par le compositeur, qui était alors une célébrité internationale, on peut citer Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, Londres, Boston et New York en 1872, l’Italie en 1874, Saint-Pétersbourg et Moscou en 1886 et Berlin en 1889. Les nombreuses récompenses qu’il a reçues au cours de sa vie témoignent de sa renommée internationale.Sa vie privée n’eut pas autant de succès que sa carrière musicale. Sa première femme était Jetty Treffz. Elle avait sept ans de plus et remplissait les fonctions d’amante, de gouvernante, de secrétaire et de mère de substitution à la fois. Ils se sont mariés le 27 août 1862 à la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, mais Jetty mourut prématurément en 1878. Quelques semaines plus tard, il épousa une chanteuse de Wrocław, Angelika Dittrich, « Lili », qui le quitta quatre ans plus tard. Pour pouvoir épouser sa troisième femme Adèle, 31 ans plus jeune que Strauss, il se convertit à la foi protestante en 1887, quitta l’Autriche et devint citoyen de Saxe-Cobourg, où le duc Ernst II lui permit de divorcer de sa deuxième femme et de se remarier.
C’est le 22 mai 1899 qu’il dirigea pour la dernière fois son opérette Die Fledermaus à l’Opéra de Vienne. Avec l’effort, il attrapa un rhume et développa une pneumonie, dont il mourut le 3 juin 1899 à Vienne, à la Igelgasse 4 (maintenant Johann-Strauss-Gasse 4). Sa troisième épouse, Adele Strauss, lui a survécu, mais il n’a laissé aucun enfant. Les dispositions de son dernier testament excluent ses frères et sœurs de la succession. Les biens répertoriés dans cet inventaire successoral, notamment les titres, propriétés, ordres et médailles, récompenses et œuvres musicales, témoignent de son succès économique et social ainsi que de ses prouesses musicales.En rédigeant l’acte notarié de la succession de Johann Strauss, le notaire Karl Frischauf, avec son étude à Wieden, aujourd’hui 4e arrondissement de Vienne, a agi en qualité de commissaire du tribunal. Le Code notarial de 1855 prévoyait déjà des notaires exerçant la fonction de commissaires judiciaires. Ce n’est qu’en 1970 que les dispositions respectives ont été modifiées par la loi sur les commissaires judiciaires (Gerichtskommissärsgesetz) du 11 novembre 1970, qui stipulait que les notaires du district judiciaire compétent pour le défunt devaient être désignés à la demande du tribunal comme commissaires judiciaires pour les procédures de succession.
La procédure comprend également l’établissement d’un inventaire successoral sur la base des informations fournies par les héritiers, par le biais d’enquêtes auprès des banques, des autorités et des registres fonciers, ainsi que d’expertises judiciaires. En sa qualité de commissaire du tribunal, le notaire est un officier public au sens du Code pénal. Ils préparent toutes les décisions et tous les documents en vue d’un règlement judiciaire, veillent à ce que les héritiers légaux deviennent propriétaires de la succession et contribuent ainsi considérablement à alléger la charge de travail des tribunaux.En ce qui concerne le notaire Karl Frischauf, on notera qu’il a été élu président de la Chambre des notaires de Basse-Autriche le 9 décembre 1889, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1899. Il a pris sa retraite comme notaire en 1902 et est décédé le 30 août 1911 à l’âge de 76 ans. L’inventaire successoral, dressé et signé par le notaire Karl Frischauf en sa qualité de commissaire du tribunal, a également été signé par trois experts en sûretés, biens et valeurs, respectivement, par le notaire Julius Richter, ayant son étude à Vienne-Landstraße, maintenant le 3ème arrondissement de Vienne, en tant qu’exécuteur et administrateur du patrimoine et par son assistant Edmund Kundegraber, qui représentait la veuve Adele Strauss et sa fille Alice Epstein. Julius Richter a été nommé notaire en 1892 pour le premier arrondissement de Vienne. Avant cette nomination, il a été le premier président de l’Association des candidats notaires de Basse-Autriche, fondée le 26 octobre 1888. Il mourut le 17 août 1905 alors qu’il était encore en fonction. Edmund Kundegraber, qui fut nommé notaire en 1916 pour le premier arrondissement de Vienne, mourut en 1925.
Une grande partie de l’inventaire actuel a été écrite dans une ancienne écriture appelée cursive allemande, qui n’est plus en usage aujourd’hui et donc difficile à lire pour le grand public. L’avant-dernière page de l’inventaire contient un résumé des biens de la succession écrit en caractères latins. Il montre que Strauss a laissé un patrimoine remarquable d’une valeur de 834.494,67 couronnes.
Il est à noter que, à la demande des héritiers, l’inventaire a précisément enregistré les droits de redevance découlant de la grande œuvre musicale du défunt mais a laissé l’évaluation financière pour un enregistrement ultérieur. En 1892, une couronne correspondait en pouvoir d’achat à environ 10,2 euros. En 1892, le gulden utilisé en Autriche depuis 1858 a été remplacé par la couronne dans un rapport de 1:2, mais est resté en circulation jusqu’en 1900. Le présent inventaire est donc établi dans les deux monnaies. Les nombreuses médailles et ordres décernés à Johann Strauss par l’Autriche, la Prusse, Cobourg-Gotha, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Russie, la Turquie, la Perse et la Légion d’honneur française énumérés au point III (Pretiosen), ainsi que ses nombreux biens immobiliers énumérés au point VII, constituent d’autres aspects dignes d’intérêt.L’original du document est conservé aux Archives régionales et urbaines de Vienne (WStLA) sous HptA-Akten, Persönlichkeiten S29.3 (Vlft.Johann Strauss).